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 J'avance lentement... Je ne suis pas pressée. En réalité, je fais tout pour ralentir l'allure.
Je sais très bien ce qui m'attends, une fois les deux grandes portes bleues dépassées. Je sais ce qui se passera quand je verrai le bout de ce couloir.
Je n'ai pas envie.
Je refuse presque d'avancer. Je dis presque, parce que je n'ai pas le choix. La jeune femme qui m'accompagne m'entraîne vers son but : la fin du couloir.
Les dalles du sol de l'hôpital Robert Debré - un des plus grands hôpitaux de Paris, d'après ma mère - défilent avec une lenteur indescriptible sous mes yeux.
Je suis fatiguée.
Je me sens comme un condamné dans le couloir de la mort, bien que je n'ai jamais vraiment connu cette sensation. C'est juste une façon de parler... D'exprimer les choses.
Un jeune interne arrive près de nous. Je sais qu'il est interne parce qu'à force d'aller dans les hôpitaux, je reconnais leur tenue.
J'espère, au plus profond de moi, qu'il va s'arrêter. J'esppère qu'il va me regarder, s'intéresser à moi. Je prie pour qu'il me parle et me sauve de ce couloir de la mort.
Je ne fais que rêver.
Cet interne... Ce jeune hommme, en pleine santé, fier de lui, presque arogant. Cet interne ne fait que passer à côté de moi sans même m'accorder un regard.
A croire que je n'existe plus.
Ma seule compagnie reste donc la jeune infirmière qui pousse mon fauteuil roulant.
Aurai-je oublié de vous dire que je suis en fauteuil roulat ? Pardonnez-moi, je me fatigue vite.
C'est d'ailleurs une fatigue douloureuse. Une fatigue qui me donne l'envie de me laisser tomber au sol et de dormir sans me réveiller. Une fatigue intense.
Mais on s'y fait...
On apprend à vivre avec...
J'y arrives. Moi.
Moi ? Je suis simple. Ou du moins pas trop compliquée.
Je ne suis pas maigre... On me le reproche assez souvent. Mais ça aussi j'ai appris à vivre avec?
Ma mère dit qu, quand je sortirai d'ici, je serai guérie. Mais est ce qu'elle m'a au moins demandé si je voulais guérir ? Non.
Et puis d'abord, je ne me sens pas malade !
Je soupire...
Je soupire parce que nous approchons du médecin qui va s'occuper de moi.
J'ai l'impression que ma vie a défilée sous mes yeux en même temps que les dalles de l'hôpital.
Le médecin parle.
Peut être qu'il me parle.
Je ne l'écoute pas.
Je n'ai pas envie.
De toute façon, la seule chose qu'il va me dire c'est que je ne m'en sortirai pas... Ou alors que je suis un cas irrécupérable... C'est toujours comme ça dans les séries. Je le sais, j'ai eu le temps d'en regarder des séries les dix derniers mois. J'étais clouée au lit, je n'avais rien d'autre à faire que regarder la télévision. Et même ça, ça m'épuisait.
Et puis, je suis fatiguée.
Je vais dormir pendant qu'il parlera avec mes parents... Je n'ai pas envie d'entendre ses âneries.
Je ne m'en sortirai pas, je le sais...
Je le sens.
Mon nom ?
Anne.
Anne Orexie.